L’affaire d’Evere : un drame dans une maison de fous

Théodore Heyvaert est procureur du Roi depuis un an. Il a 36 ans et c’est un des plus élégants procureurs que la capitale ait connu. Il a le visage fin, d’une pâleur romantique, un regard qui brille, le front intelligent couronné d’un diadème de cheveux noirs et bouclés. Il est joli garçon et semble en avoir un peu conscience. C’est le soir. Il est assis dans le noir, à son lourd bureau de chêne. Une petite lampe à pétrole éclaire la lettre qu’il tient dans la main. Dix fois déjà, qu’il la relit. C’est une lettre anonyme, et il déteste ça, les missives de gens peu courageux qui, en dissimulant leur identité, discréditent leur délation. Heyvaert est un homme droit ; pour lui, les lettres anonymes sont de mauvaises actions. Mais tout de même. Il ne parvient pas à jeter le papier dans la corbeille. Les mots qu’il parcourt encore une fois le tourmentent. Parce qu’il pressent, douloureusement, que les faits dénoncés sont tristement réels. Et qu’il aurait dû agir plus tôt, plus fermement. La lettre épingle la maison de fous d’Evere, une maison de santé qui accueille alors près de 140 aliénés. Elle évoque des cellules malpropres, des séquestrations abusives, des traitements inhumains. Heyvaert a déjà constaté et signalé au comité de surveillance l’état déplorable de l’asile. Que peut-il faire de plus ? Et bien, il pourrait s’y rendre encore une fois et vérifier ce qu’il y a de vrai, dans cette lettre anonyme. Oui, c’est décidé en fait. Demain il visitera par surprise l’établissement asilaire. Heyvaert éteint sa lampe et rentre chez lui, sous une pluie verglaçante. Ainsi commence « L’affaire d’Evere », un fait divers qui s’est mué en scandale, une enquête judiciaire qui impacta le système de santé réservé aux aliénés dans la jeune Belgique libérale. Nous sommes le 12 décembre 1871. Il est 21h30. C’est l’heure H de mon histoire. Merci pour votre écoute Retrouvez l'ensemble des épisodes de l'Heure H sur notre plateforme Auvio.be : https://auvio.rtbf.be/emission/22750 Et si vous avez apprécié ce podcast, n'hésitez pas à nous donner des étoiles ou des commentaires, cela nous aide à le faire connaître plus largement.